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rédigé par Pierre BRUNET

Étudiant en master Management et Entrepreneuriat de Projet Numérique. Graphiste print de formation puis titulaire d’une licence en Chef de projet numérique ce qui a permis de s’ouvrir au domaine digital. Également intéressé par le sport, le street art ainsi que la culture urbaine dans son ensemble.

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Catégorie(s) Les temps changent

L’Alpes d’Huez en plein Paris ?

 

Monter des cols à vélo, admirer le paysage, sans s’inquiéter de la pluie, en s’arrêtant à tout moment : l’entraînement avec réalité virtuelle se développe depuis quelques années dans le milieu du cyclisme. Alors que certains logiciels favorisent l’entraînement professionnel, d’autres mettent en avant l’immersion. Se servir des nouvelles technologies pour améliorer les entraînements : le cyclisme n’est pas une exception, les pratiques sportives en général tendant à une hyper-technologisation.

Comme si vous y étiez

Le cycliste entame son 35ème kilomètre. Après le 18ème virage, la pente se raidit – l’effort s’intensifie, il a de plus en plus de mal à maintenir sa vitesse. Aujourd’hui, c’est l’Alpe d’Huez qu’il a décidé de gravir, en compagnie de quelques autres férus de cyclisme. Sauf que lui est en plein Paris, et eux probablement dans d’autres villes, ou même dans d’autres pays.

Le jeune homme s’entraîne sur un vélo d’appartement, dans une salle de sport dédiée au cyclisme où j’ai pu me rendre. Ce vélo est relié à un logiciel de réalité virtuelle. En face du sportif, sur un écran, défile l’étape qu’il a décidé de suivre. Même la pente est simulée, lorsqu’il gravit une côte, il devient plus difficile pour lui de pédaler. Même l’aérodynamisme est reproduit : lorsque l’on est derrière un autre coureur, il devient plus facile de pédaler. Dénivelé, paysage … Les objectifs de cet entraînement virtuel sont multiples : être immersif, permettre aux cyclistes de s’entraîner en conditions réelles, même en montagne s’ils le souhaitent, sans se déplacer, mais aussi de s’entraîner en ligne avec des cyclistes éloignés.

 

Training center - KM0 Paris
Training center de la boutique Km0 Paris

Dans la salle haut de gamme de l’ouest parisien où a lieu l’entraînement, l’équipe n’a pas hésité à enrichir son “training center” (centre d’entrainement) d’un logiciel d’entraînement virtuel. Chaque jour, les cyclistes peuvent venir s’entraîner, sélectionner l’étape qui leur convient, et même bénéficier des conseils d’un coach. Le client peut choisir le mode de son entraînement : vélocité pour s’entraîner au sprint, force pour apprendre à tenir sur la durée … Mais beaucoup décident aussi d’utiliser le logiciel sur leur vélo d’appartement personnel. Car celui si promet d’être installable et utilisable aussi rapidement que possible …

 

Comment ça marche ?

Il suffit tout d’abord de télécharger le logiciel sur ordinateur (OSX ou Windows), tablette ou smartphone. Le vélo d’appartement doit ensuite être relié au logiciel via Bluetooth (ou ANT+). Des capteurs fixés sur le vélo permettent d’enregistrer la vitesse du cycliste et bien d’autres données, comme la cadence de pédalage par exemple. La réalité virtuelle est installée, l’étape peut commencer. L’utilisateur peut maintenant rouler sur les routes qu’il souhaite.

Mise en vente en 2014, le logiciel Zwift s’est rapidement imposé comme la référence pour les professionnels dans ce domaine. “De jour, de nuit, sans le vent et la pluie, entraînez vous ensemble”, indique la vidéo de promotion de la start-up. “à “presque” en oublier qu’on est en âge sur un “home trainer” écrit un internaute.

Vidéo de présentation
Présentation de Zwift


Aujourd’hui, des professionnels eux-mêmes s’entraînent grâce à cette plateforme. Car outre les avantages apportés par la réalité virtuelle, le logiciel permet un entraînement viable. Les coachs peuvent même récupérer les données récoltées lors des entraînements virtuels (vitesse, endurance, rythme cardiaque, cadence de pédalage …) pour améliorer et adapter les entraînements futurs.

 

Interface de Zwift
Interface de l’application Zwift
Rouler tout seul … mais à plusieurs. Le E-sport colle à la roue !

 

Quelle que soit l’heure à
laquelle vous vous connectez, il y a toujours environ 1000 à 1500 autres cyclistes en ligne avec qui ou contre qui vous pouvez rouler.”

Quelle que soit l’heure à laquelle vous vous connectez, il y a toujours environ 1000 à 1500 autres cyclistes en ligne avec qui ou contre qui vous pouvez rouler. Lors des heures de pointe, vous êtes même l’un de 5000 zwifteurs !” se félicite le site, mettant en avant le grand nombre d’utilisateurs. Car le logiciel permet également de courir en ligne, et donc de visualiser les autres cyclistes en entraînement. Un mode course est même proposé, pour comparer nos aptitudes à celles des autres cyclistes. Il permet donc de créer une communauté de sportifs, qui peuvent même se saluer lorsqu’ils se croisent sur les routes. C’est ce qui démarque avant tout l’application Zwift : l’aspect communautaire, la possibilité de faire des courses avec des internautes du monde entier.

En septembre 2017, la France accueille sa première édition du CVR World Cup. Le nom ne vous évoque rien?  C’est une compétition qui mêle cyclisme et réalité virtuelle (avec des “Home Trainer” et l’application Zwift). Concrètement, les coureurs se sont affrontés en ligne. Contrairement aux courses traditionnelles, les parcours étaient fictifs mais les efforts, eux, sont bien réels. Les participants se sont affrontés. Pour la finale, les coureurs se sont tous réunis dans le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines … Mais ce sont bien sur les vélos d’appartement qu’ils ont passés la course.  Les sièges sont peut remplie et ont est encore loin des mondiales du E-sport sur ‘League of Legendes” par exemples qui rassemble un public considérable… plus de 40 millions de téléspectateurs.

 

https://www.liberation.fr/sports/2017/09/18/l-e-sport-prend-la-roue-du-cyclisme-et-vice-versa_1596957
CVR world Cup 2017, Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines

 

«On se situe entre le
e-sport et le sport.
La devise de notre
groupe : faire entrer le sport dans le e-sport.»

Frank Garcia, patron de la boîte d’informatique Cycligent s’est liée au projet à livré son point de vu aux journalistes de Libération : «On se situe entre le e-sport et le sport. La devise de notre groupe : faire entrer le sport dans le e-sport. On est encore loin des grandes compétitions e-sport mais on croit réellement en ce projet. Pourquoi ? Car tout le monde peut s’identifier au vélo.»

 

Plus vrais que nature ?

D’autres acteurs de ce domaine, comme Kinomap qui est également un des leaders du marché,  ont misé sur l’aspect réaliste. L’application présente à peu près les mêmes fonctionnalités et sûrement moins poussé que Zwift, mais leurs grandes valeurs est de reproduire les caractéristiques d’un parcours sur des videos en haute définition.L’application fait défiler la vidéo selon la vitesse de déplacement en simulant la pente du parcours.

Le plus de Kinomap est que les sessions de la plateforme sont collaborative et tous les membres peuvent y charger les vidéos géolocalisées qu’ils désirent. On peut donc y trouver des vidéos très qualitatifs, mais aussi des vidéos nettement moins bonnes.

 

Interface Kinomap
Interface de l’application Kinomap

Autres exemples, Aaron Puzley, un développeur à créer une application pour le Gear VR permet de visiter la campagne anglaise en réalité virtuelle sur son vélo d’appartement. En guise de démonstration, il s’est filmé en train de pédaler, et son but était de traverser virtuellement le Royaume-Uni de part en part. Pour réaliser son exploit, il a utilisé un capteur Bluetooth qui mesure la vitesse à laquelle il pédale. Ensuite, son application utilise Google Street View pour afficher les images en fonction de la vitesse et prend en compte également les mouvements de la tête. Par contre ici, il y a aucune différence s’il gravit une côte ou une descente. Bien que le Grande-Bretagne soit relativement plat.

Certes, l’idée de relier un vélo d’appartement et Google Street View était une bonne idée. Même si Aaron Puzley indique sur son blog ne pas avoir de nausées durant l’expérience et que cela la incité à faire plus d’exercice, le résultat n’est pas encore probant. On s’imagine mal rouler pendant des heures sur Street View sachant que l’image des panoramas est très saccadée. Et surtout les routes paraissent très monotone et vide d’interaction. Son argument : le dispositif utilisé est beaucoup moins onéreux que les autres applications en réalité virtuel.

 

Aaron Puzley
Aron Puzley traverse la campagne anglaise sur son vélo d’appartement.

Les entraînements virtuels sont-ils aussi efficaces que les entraînements réels ?

Si les niveaux d’efficacité des entraînements virtuels tendent à égaler ceux des entraînements réels, une véritable sortie à vélo ne pourra être remplacée. Les sensations d’un réel entraînement ne peuvent être reproduites : les virages, le temps, mais aussi le plaisir de rouler. Sentir le bitume sous les pneus, même peut-être crever, et apprendre à changer sa chambre à air en un temps de record et s’en satisfaire.

 

Le graphisme, en tout ce qu’il a de respectable, n’est pas non plus totalement réaliste. Impossible de découvrir de nouvelles routes, de s’aventurer, de faire demi-tour. De même, Zwift ne propose qu’un nombre limité de parcours. Tous les cyclistes aguerris vous le confirmeront : l’ambiance de certaines routes cultes est inégalable – l’exemple de l’Alpes d’Huez étant sûrement l’un des plus éloquents. Sur Zwift, jamais une voiture ne vous encourage au détour d’un lacet. Et dans la vraie vie, on ne peut pas abandonner. Au pire, on doit redescendre toute la pente; au mieux, attendre qu’une voiture vienne nous chercher. C’est aussi ça, le sport.

 

Pour la finale du championnat en ligne, les coureurs se sont rejoints dans un vélodrome. Ils ont pu se rencontrer, apprécier le niveau de fatigue de leurs concurrents … Signe que pour vivre réellement la compétition, il faut voir nos adversaires ? Cela montre que la réalité virtuelle ne semble pas pouvoir remplacer la pratique “naturelle” du vélo, même si le future nous réserve encore des surprises. Mais elle pourrait bien s’imposer comme une nouvelle méthode d’entraînement et d’optimisation des performances inévitables. Car l’entraînement virtuel s’inscrit dans toute une logique d’hyper technologisation. Dans la boutique parisienne où je me suis rendus, un étage unique est dédié à l’aide à la performance. Etude posturale, bilan de pédalage, pma, coaching personnalisé, programme d’entraînement pour préparer une compétition, le tout appuyé par des technologies de pointe. S’entraîner, c’est une question de technologie ?

 

Sources / Webographie :
– https://www.liberation.fr/sports/2017/09/18/l-e-sport-prend-la-roue-du-cyclisme-et-vice-versa_1596957
– http://www.km0.paris/training-center/notre-approche/
– https://www.kinomap.com/fr/
– https://zwift.com/en/
– https://www.journaldugeek.com/2016/08/10/velo-realite-virtuelle-angleterre/
– https://www.mantel.com/blog/fr/zwift-how-to/
– https://www.journaldugeek.com/2016/08/10/velo-realite-virtuelle-angleterre/
– https://vital.topsante.com/mes-sports/tous-les-sports/la-realite-virtuelle-outil-d-entrainement-pour-l-equipe-americaine-de-ski-2476

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